Un Parfum d’Ours

Hiver 2008. Résidente permanente au Canada depuis peu, j’habite au Québec à Bromont, invitée par Mikael Zayat à rester un temps auprès de lui. Depuis quatre mois, joies et surprises se succèdent au sein de l’Académie Jardin de Vie, avec Mikael, Véronique, Danielle, et des visiteurs de tous horizons culturels.

La magie des essences aromatiques continue de me remplir de ravissement. Je passe mes journées dans un demi sous-sol où règnent des centaines d’huiles essentielles et une montagne de livres en sciences humaines, santé naturelle, plantes médicinales, spiritualité, naturopathie, alimentation, grossesse et accouchement, arbres, pays, géométrie sacrée, animaux, chamanisme, anges, tarots, connaissance de l’univers… 

Emmitouflée dans le grand manteau blanc de l’hiver, je traverse la saison en douceur, immergée dans mes profondeurs, infusée par les parfums du monde entier. Je me sens parfois habitée et inspirée par l’esprit de plusieurs animaux. Au cœur des grandes tempêtes de février, l’Ours vient souvent dans mes rêves.

La vie, infiniment généreuse, me fait alors rencontrer un trappeur. Il tient une boutique d’artisanat amérindien, un univers remplit d’odeurs animales, peaux en fourrure, sculptures, bijoux, musiques, pierres, vêtements, équipements de neige et de trappe, crânes et os d’animaux, objets fabriqués par des dizaines d’artisans…  Il me raconte son histoire et un peu celle des peuples du Québec. Dans ses paroles, j’entends la colère gronder, celle de l’injustice vécue par les peuples racines écrasés par l’envahisseur blanc.

Grand et trapu, Réjean porte clairement l’énergie de l’ours brun. Il me fait découvrir les multiples usages de la graisse d’ours, manger de la viande d’ours. C’est fascinant. Plusieurs nuits, des rêves peuplés d’ours me traversent. J’y vois l’Ours jouer, bondir, rugir, exprimer sa force. Une nuit, je me réveille le cœur battant d’un rêve aux effluves de cauchemar…  Un ours cherchait à me tuer. Plusieurs jours durant, je ressens de la peur face à sa force.

Un soir ou je suis seule à la caverne des senteurs chez Mikael, mes mains sont attrapées fiévreusement. Elles m’emmènent vers une huile, une autre, et encore une autre… Emportée dans une sorte de transe, je me laisse guider et les mélangent. La présence de l’ours monte en arrière de ma tête, et jusqu’au-dessus de moi, je sens sa patte se lever pour me signaler que la synergie est complète.

En sortant de la transe, j’ai la sensation d’avoir donné naissance  à un « parfum d’ours ». Il est composé physiquement d’huiles essentielles, il vibre énergétiquement avec l’esprit de l’animal, dégageant sa force. A mon nez, il en évoque même jusqu’à son odeur.

A la fois pour m’amuser et aussi pour en avoir le cœur net, j’apporte le flacon à mon ami trappeur et  lui fais sentir le parfum sans toucher mot de mon aventure. Surpris, il s’exclame :

«  Betty, comment as-tu-fait pour composer une huile sentant l’ours ? ».

Je lui avoue :  

« ce n’est pas moi, c’est la force de l’ours qui m’a traversée et guidée ».

Comme St Thomas aurait pu le faire, j’accepte alors mon expérience comme un fait concret. Inexplicable rationnellement parlant, elle est pourtant une réalité. Dans mon cœur vibrant, je remercie l’Ours et les plantes aromatiques, reconnaissant la puissance de la reliance végétal-animal -humain.